Login

Quel est votre diagnostic ? C'est la sclérotiniose

Affaissement des tigesUn horticulteur détecte des flétrissements de feuilles et quelques dépérissements de fleurs sur des plantes annuelles à massif, malgré une irrigation et une fertilisation optimales. Parmi les plus touchées, des tiges de zinnia s'affaissent sur le rebord du godet.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

DÉTECTION

Dans notre cas, le substrat à base de compost est à l'origine de l'inoculum primaire. L'horticulteur a testé l'incorporation de compost de déchets verts recyclés dans le substrat horticole de plantes à massif en godets. Des sclérotes ont apparemment résisté au processus de fermentation et de décomposition des matières organiques. Le confinement de végétation a ensuite favorisé les contaminations des parties aériennes. Les corpuscules noirs, souvent très durs, qui se trouvent dans les tissus pourris sont des sclérotes (1), organes de conservation de la sclérotiniose. Cette affection connue en France depuis 1837 est due au champignon parasite Sclerotinia sclerotiorum de l'ordre des Hélotiales dans la classification des Ascomycètes. Il est assez rare que cette maladie se généralise à l'ensemble d'une culture florale, grâce à la production hors-sol, à la subirrigation et à une hygiène régulière de la serre. En revanche, elle est potentiellement plus fréquente dans des tunnels plastique en mode de production traditionnel où les plantes à massif sont exposées aux projections de spores à proximité du sol. La polyphagie du Sclerotinia (2), la variété de son habitat et son haut pouvoir contaminant sont redoutables dès les stades juvéniles des cultures florales. Certaines espèces, comme le chrysanthème, peuvent subir une infection de Sclerotinia minor, mais dans ce cas les sclérotes sont d'un diamètre plus petit (1-2 mm) que ceux de Sclerotinia sclerotiorum (2,5-10 mm). De plus, le mycélium blanc est plutôt moins abondant chez Sclerotinia minor.

CONFUSIONS POSSIBLES

La maladie la plus semblable à la sclérotiniose sur les plantes florales annuelles à massif est la pourriture grise à Botrytis cinerea, autre champignon à sclérotes (3). La principale différence entre les deux pathogènes réside dans la couleur de feutrage mycélien : blanc pour Sclerotinia, grisâtre pour Botrytis. Mais, dans les deux cas de figure, la pourriture des tissus est toujours molle et humide, le potentiel infectieux élevé, surtout à cause de la vie saprophytique de ces champignons (bien que Botrytis cinerea soit plus souvent responsable de surinfection que Sclerotinia sclerotiorum ; la pourriture grise étant alors considérée comme une maladie secondaire ou opportuniste), les attaques ont lieu à tous les niveaux du végétal, mais souvent au collet pour Sclerotinia. Le flétrissement et le brunissement du feuillage consécutifs à la rupture du flux de sève à la base des tiges peuvent être imputables à d'autres pathogènes des cultures florales, mais dont les faciès sont différents lorsqu'ils sont examinés de près : Phytophthora sp., Pythium sp., Fusarium sp., Rhizoctonia solani, Thielaviopsis basicola, Verticillium sp.

TRANSMISSION ET DÉVELOPPEMENT

La reproduction sexuée du Sclerotinia se déroule à partir des sclérotes. Résistants, mais très sensibles au gaz carbonique que renferment les couches profondes du sol, ces organes de conservation vivent dans l'horizon de surface pendant cinq à neuf ans. Au printemps, une température comprise entre 4 et 30 °C assortie d'une humidité élevée pendant une dizaine de jours assure leur germination sous forme d'apothécies ou pézizes : petites coupes évasées brun pâle à l'allure de trompette ou de coupelle (4-8 mm), portées à l'extrémité d'un long pédicelle creux, grêle et élastique (2-3 cm), capables de se développer de manière saprophytique sur les substrats et les débris végétaux. Chaque apothécie peut libérer à maturité entre 2 et 30 millions d'ascospores. Transportées par les courants d'air, ces dernières peuvent atteindre tous les niveaux de végétation des plantes hôtes et se propager dans d'autres serres. Mais leur germination nécessite de l'eau libre provenant d'une irrigation par aspersion ou d'éclaboussures ; ce qui limite le développement de la sclérotiniose en subirrigation. La pénétration dans la plante s'effectue directement à travers la cuticule ou au niveau d'une blessure ; par la suite, le mycélium agit à distance par ses enzymes.

En production horticole, l'infection des plantes a souvent lieu par les racines à partir du mycélium ramifié issu de la germination des sclérotes à la surface du sol ou substrat. On observe alors le développement d'un épais coussinet blanc au niveau du collet entraînant d'ordinaire un échaudage du pied suivi d'une verse des tiges. Parfois, on détecte à la surface de l'amas duveteux des gouttelettes de liquide jaunâtre contenant des enzymes pectolytiques (principe actif de destruction) et de l'acide oxalique. Les facteurs favorisant cette phase asexuée du champignon sont des températures voisines de 20 °C et une humidité relative supérieure à 92 %. En fin de cycle, Sclerotinia sclerotiorum forme des sclérotes dans les tissus infectés. En tombant sur le sol ou dans le terreau, ces derniers assurent le maintien en vie ralentie du pathogène jusqu'à la prochaine attaque. Sclerotinia sclerotiorum est transmissible par les semences (graines contaminées par le mycélium ou sclérotes en mélange avec les semences). Lors d'un semis de graines contaminées, la plupart des plantules sont détruites avant même d'avoir pu atteindre 1 cm de long. Le mycélium qui en est issu contamine les racines ou le collet des plantules voisines. Les sclérotes semés avec les semences produisent également du mycélium susceptible d'attaquer les jeunes plants.

Par Jérôme Jullien, expert horticole

(1) Formes parfaites du champignon : agglomérats de filaments enchevêtrés, de forme ovoïde et de teinte foncée (gris clair, bleutée, puis noire en vieillissant) ; comprennent une partie centrale ou pseudoparenchyme (medulla) et une écorce pigmentée (cortex). (2) 408 plantes hôtes dénombrées selon Laurence Campariol (2002). Nombreuses plantes sensibles dont les cultures florales suivantes : Antirrhinum, Campanula, Cheiranthus, Chrysanthemum, Dahlia, Datura, Senecio, Delphinium, Hibiscus, Iris, Lupinus, Petunia, Zinnia. (3) Le stade parfait de Botrytis cinerea issu de la reproduction sexuée est Sclerotinia (= Botryotinia) fuckeliana. Les champignons pathogènes Sclerotinia sclerotiorum et Botrytis cinerea sont étroitement liés par leur gamme d'hôtes (polyphages) et leurs conditions de développement (chaleur humide). Malgré ces similitudes, ils diffèrent dans leur étiologie, notamment leur capacité à produire des spores asexuées. Les sclérotes de Botrytis cinerea, petits, ovales ou arrondis, de 2 à 4 mm de long et 1 à 2,5 mm de large, sont rarement associés à l'attaque de pourriture grise.

Sclerotinia sclerotiorum. À la faveur de la chaleur humide sous abri, les nodules noirs de Sclerotinia sclerotiorum germent à la surface du substrat sous la forme de champignons de 4 mm semblables à une coupe évasée appelés pézizes ou apothécies.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement